René Magritte, un entretien exclusif

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Interview de René Magritte par Richard de Grab

Richard de Grab, photographe, a interviewé de nombreux artistes tels que Dali ou Picasso. Dans les années 1960, il rencontre le fameux peintre surréaliste, René Magritte, dans sa petite maison située en banlieue de Bruxelles. Il a choisi ce lieu d’habitation, loin des centres artistiques bruyants comme New York ou Paris. Cette maisonnette ne comporte aucun studio. Il peint directement sur son chevalet, posé dans son salon.

Magritte et De Grab

De Grab le perçoit comme très réservé et humble. Magritte ne se perçoit pas du tout comme un artiste. En effet, Magritte raconte qu’un producteur de film voulait le filmer dessiner. Magritte avait refusé. Il explique ne pas pouvoir dessiner sur le pouce comme cela ! Lorsque le producteur lui rétorque que même Picasso l’avait fait, Magritte s’exclame : « Mais Picasso est un artiste ! ».

Richard de Grab aura su être convaincant puisque nous avons par les archives deux œuvres réalisées devant l’appareil du photographe : Le poisson cigare vendu dans le cadre d’une de nos ventes aux enchères et une réalisation sur peau de chèvre, que nous n’aurons malheureusement jamais eu entre les mains.

Magritte et l’art contemporain

Dans le cadre de cet entretien, Richard de Garb a coutume d’interroger les artistes sur leur conception de l’art.

Magritte donne son opinion sur l’art. Il indique ne pas s’y intéresser beaucoup, bien qu’il lui soit quelques fois agréable de voir des œuvres d’art.

Selon lui, l’histoire de l’art touche à sa fin. Celle qui a été forgée par les impressionnistes, les futuristes, ou le cubisme grâce à Picasso, a succombé au Dada, qui est, selon lui, la destruction. De facto, la fin de l’art. Donc que reste-t-il ? Il affirme la chose suivante : « Je trouve que tout ce que l’on fait en peinture de la foutaise, actuellement. Jusqu’à Picasso, c’était très bien. »

Il est contre les nouveautés apportées par l’art contemporain. On retrouve ici un peu le même esprit qu’Oscar Kokoschka qui souligne son mépris pour l’abstraction, propos que je vous invite à retrouver dans ses écrits consacrés à l’art ‘L’œil immuable’

Mais revenons à René Magritte,

Ecoutez ses propos relatifs au pop art : « Pour moi, une image c’est quelque chose qui est dans la pensée. C’est la pensée qui voit ! C’est la main qui touche le relief. On ne touche pas l’image avec la main. C’est intangible. C’est de l’imbécilité du pop art. C’est cette imbécilité du relief, justement ! Il n’y a pas trois dimensions dans une peinture, il n’y a qu’une image. La peinture, ce n’est pas une sculpture. Ce n’est pas de la musique, ni de la littérature. Mais pour ces gens, les pop artistes et autres, tout ça est confus, très mélangé. »

La démarche artistique de Magritte

Sa vision de l’art met en relief sa démarche.

 Son but est d’employer la peinture pour évoquer le mystère. Il dit : « Je ne vois rien d’autre [que cela]. Je ne sais pas si le mystère implique du pessimisme ou de l’optimisme. Je ne sais pas si le mystère a un rapport avec l’espoir ou le désespoir. C’est une chose étrangère au sentiment du mystère et il n’y a pas de conclusion possible. »

On peut se demander comment Magritte parvient à imaginer tous ses chefs d’œuvre. Parfois, une belle idée lui vient à l’esprit. Certaines idées à propos de l’imagination. Mais, comme il l’explique bien, « L’imagination n’imagine pas nécessairement l’imaginaire, et l’imaginaire, n’a, à mes yeux, aucun prix, aucun intérêt – c’est gratuit. ». S’il estime son idée belle et valant la peine d’être peinte, plus aucune question ne se pose. Mais, une fois réalisée, l’idée ne l’intéresse plus. Sa toile ne lui sert plus. Il préfère qu’elle circule au lieu qu’on la conserve.

Après tout, ce n’est pas vraiment la question de l’art qui le préoccupe. C’est la question de la vie qui l’intéresse. Et il a une vision très morose de la vie. Il se sent très à part et affirme « Si je devais accomplir un acte qui a une grande importance pour moi ce serait de me suicider. Je ne vois rien d’autre. Je ne trouve, à part quelques moments rares, aucun plaisir d’exister. J’échappe, pour de rares moments seulement, cette inutilité d’exister. ». En effet, son art l’aide à s’échapper momentanément de ces idées. Mais sa préoccupation essentielle est de vivre. Mais il avoue vivre très mal, sans équilibre, hormis les périodes où il peint. Le monde est pour lui un mystère. Il ne parvient pas à comprendre son existence ou l’existence du monde. Il conclut : « L’avenir pour moi, c’est la fin du monde. Je ne vois rien d’autre. »

 

Elodie Couturier

 

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