Léon Monet : un autre regard sur l'impressionnisme

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Léon Monet, frère de l’artiste et collectionneur au musée du Luxembourg

Je vous emmène aujourd’hui au musée du Luxembourg dont l’exposition met en lumière le frère aîné du célèbre peintre Claude Monet : je vous présente Léon Monet, un homme aux multiples facettes industriel et collectionneur.

Cette exposition se tient jusqu’au 16 juillet prochain : une occasion d’aller déambuler au Jardin du Luxembourg, jardin de mon enfance, dans une période estivale qu’on ne peut que plus propice à la flânerie.

Alors, avant de vous parler de l’exposition, laissez-moi vous dire quelques mots sur Léon Monet

Qui était Léon Monet ?

Léon Monet était le frère aîné du peintre Claude Monet , qui a joué un rôle significatif dans la vie de ce dernier. Né en 1836 à Paris, Léon était un industriel et un collectionneur passionné.

Dès le jeune âge de Claude, Léon a été conscient du  génie  de son frère et a cru en son potentiel pour devenir un grand artiste. Cette conviction précoce de Léon a certainement exercé une influence sur le développement artistique de Claude.

Mais au-delà de leurs liens familiaux, Léon Monet était également un soutien financier important pour son frère, fournissant à Claude des ressources et des moyens pour poursuivre sa carrière artistique, ce qui lui a permis de se consacrer pleinement à son art sans se soucier des contraintes financières.

Léon Monet s’associe en effet à la puissante société suisse Geigy &co spécialisée dans les couleurs synthétiques et c’est à ce moment clé que Léon Monet deviendra un soutien financier non seulement pour son frère, mais également pour ses amis donc de facto pour le mouvement impressionniste en général.

Ainsi, en tant que collectionneur, Léon Monet a rassemblé une collection d'œuvres d'art, non seulement de son frère, mais aussi de ses contemporains impressionnistes tels que Pissarro, Renoir, Sisley et Morisot. Sa passion pour l'art et son soutien aux artistes ont contribué à promouvoir et à valoriser le mouvement impressionniste.

Alors qu’attendre de cette exposition ?

Cette exposition nous transporte à travers l'histoire des Monet, une famille bourgeoise havraise puis rouennaise.

En adoptant une approche originale par la mise en lumière de Léon Monet, que personne ne connaissait jusqu’alors, Claude Monet, l'un des pionniers de l'impressionnisme, est ainsi replacé dans son contexte familial, révélant les liens étroits entre les membres de cette lignée exceptionnelle.

D’un point de vue pratique, deux axes guident cette exposition.

Tout d'abord, nous plongeons au cœur de la vie de Léon Monet, industriel prospère et homme d'affaires à succès dont la vision avant-gardiste aura son impact sur le développement industriel de la région.

Vers 1860, il dirige avec brio la seule filiale française d'une entreprise suisse spécialisée dans les produits chimiques et les colorants, dans les environs de Rouen. Vous y verrez d’ailleurs un petit pan en fin d’exposition consacrée à l’histoire des couleurs synthétiques, partie intéressante certes, mais qui pour ma part n’a pas vraiment retenu mon attention.

Le second axe de l'exposition se concentre sur le rôle crucial de Léon en tant que premier mécène de son frère cadet. Il fut un collectionneur averti, appréciant non seulement les premières œuvres de Claude Monet, mais également celles de cette nouvelle avant-garde artistique connue sous le nom d'impressionnisme.

La collection de Léon Monet est en effet remarquable : Alfred Sisley, Camille Pissarro, Auguste Renoir et bien d’autres encore.

Le 24 mars 1875, il est présent à la première vente impressionniste qui s’ouvre à l’Hôtel Drouot qui s’ouvre où il achète 5 tableaux, en concurrence avec le grand marchand Paul Durand-Ruel qui lui en acquiert plus de 18.

Même si cette exposition nous transporte dans l'univers des Monet, révélant des facettes méconnues de leur histoire familiale, leur contribution à l'art et à l'industrie, et de découvrir le lien qui existaient entre les deux hommes, il me semble qu’une lecture transversale enrichira bien plus encore votre visite.

Une lecture transversale de l'exposition

L’évolution de Claude Monet et son rôle dans l’histoire de l’art

Ce qui est très intéressant c’est de suivre l’évolution artistique de Claude Monet : de ses premiers croquis aux tableaux les plus modernes voire contemporains présentés en fin d’exposition.

Tandis que Léon est travailleur et recruté dans l’entreprise familiale, Claude Monet est un enfant dissipé qui s’adonne à la caricature. Vous y verrez quelques caricatures étonnantes que les notables de l’époque achetaient avec empressement.

Les rencontres sont souvent décisives dans le parcours de chacun : pour Claude Monet, 1856 est une année décisive : il rencontre Eugène Boudin qui l’amène à abandonner la caricature pour peindre en plein air. La même année Gustave Le Gray photographie la mer au Havre, captant l’instant.

Claude Monet tire en quelque sorte cette leçon de photographie, à l’instar de ce portrait d’Adolphe Monet daté de 1865. Vous pouvez voir que son expression est figée se rapprochant justement d’une photographie.

Vous verrez un carnet de croquis très intéressant, donc chaque page est relayée sur un écran numérique, retraçant les dessins de bateaux, d’arbres, de roches. Claude Monet n’a alors que 15 ans.

Vous verrez l’évolution stylistique de Claude Monet : notons l’ensemble des cathédrales qui marque bien cela :

Il se rend la première fois à Rouen en 1864, avec son ami Frédéric Bazille , et ce n’est que quelques années plus tard en 1872, qu’il peint des vues de la ville depuis le fleuve dont la Seine à Rouen.

Il faudra attendre ensuite vingt ans pour voir émerger le chef d’œuvre exposé habituellement au musée d’Orsay : La cathédrale. Un véritable chef d’œuvre où l’artiste se concentre sur la façade et arrive à capter les variations lumineuses ” Aussi longtemps que le soleil sera sur elle, il y aura autant de manières d'être de la cathédrale de Rouen que l'homme pourra faire de divisions dans le temps.

Le témoignage d’une époque : le début de la villégiature

A la fin du XIXème siècle, l’aristocratie et la bourgeoisie découvrent les plaisirs balnéaires.

Léon Monet acquiert alors tout d’abord une maison au village des Petites-Dalles, qui sera notamment représentée dans l’un des tableaux de son frère « La Maison rose », avant de passer ses vacances à Étretat, Pourville et Varangéville.

Un très bel ensemble de tableaux dépeint ces paysages sauvages de la côte normande peints par Camille Pissarro qui rendra visite à Léon en 1883.

Ma sélection de tableaux : la naissance de la modernité

Comme je vous le disais, cette exposition met en lumière une époque décisive dans l’histoire de l’art qui sera la naissance de l’impressionnisme, que l’on fait communément débuter en 1873 avec notamment la réalisation du chef d’œuvre de Monet, Impression Soleil levant, mis en lumière sans faire de mauvais jeu de mot dans le cadre de l’exposition qui s’est tenue au musée Marmottan : Face au Soleil.

A noter en début d’exposition dans un esprit de modernité artistique : deux d’Auguste Renoir, Portrait de Madame Claude Monet et un autre de Claude, qui indique la modernité et la novation dans le traitement des portraits.

Rappelons que nous sommes alors en 1873 : représentés en buste, les deux sujets se présentent sur un fond neutre, en mouvement. Le peintre ne cherche plus une représentation d’une figure comme en apparat mais bien la vie. Ainsi Claude Monet lit son journal et fume sa pipe, tandis que Camille son épouse souriante se tourne vers son épouse.

Les deux tableaux face à face semblent de répondre, grâce à une communion des lignes et du mouvement.

Le portrait refusé

Ce portrait de Claude Monet est la seule représentation de son frère Léon.

Il est justement daté 1874, année décisive dans la carrière des deux hommes.

Claude Monet présente alors Impression soleil levant, qui fera scandale, tandis que son frère intègre l’entreprise suisse Gelgy & co dont je vous ai parlé tout à l’heure, s’imposant comme un homme d’affaire aguerri.

C’est bien cet homme-là que représente ici son frère imprégné de son caractère bien trempé.

C’est probablement cette modernité qui a permis à son frère de coucher sur la toile le véritable caractère de son frère et non une représentation froide de l’homme industriel, comme en témoignent de nombreux portraits de l’époque

Tout y est pourtant : la redingote, la chaîne de montre, l’épingle sur l’étoffe sombre, le chapeau melon.

Mais le sourcil relevé, appuyé par la ligne du chapeau melon indique le caractère autoritaire du personnage.

Léon Monet n’a pas apprécié du tout ce tableau, probablement Claude avait-il parfaitement cerné le caractère de son frère qui ne souhaitait pas le voir coucher sur un tableau

Un point fort de l’exposition serait également les archives photographiques, très riches.

Notamment la reproduction d’une photo permet de voir la collection de la famille Monet et également la façon dont étaient accrochés les tableaux : les petits formats à hauteur du regard, sous les plus grands formats, encadrant les deux œuvres majeures de Claude Monet Villas à Bordighera et l’autre de Renoir Paris, l’Institut au quai Malaquais.

Les paysages sont donc exposés dans le salon, tandis que les natures mortes sont réservées à la salle à manger et les portraits de famille aux chambres.

Attardez-vous sur le film réalisé par Sacha Guitry où vous verrez Claude Monet fumant sa cigarette munit de ses pinceaux, à Giverny en 1915 . Le réalisateur décide alors de créer une encyclopédie vivante et filmera également entre autres Auguste Rodin.

Si Guitry dépeint « son jardin comme l’un des plus beaux du monde », vous pourrez y voir juste en face deux œuvres que j’ai trouvé extraordinaire : Le Jardin de Giverny daté de 1922-26, habituellement exposé au musée Marmottan et le bassin au Nympheas daté de 1912-19.

Ces deux tableaux traduisent peut-être pour moi ce qui aura fait la marque artistique de Monet : l’audace par la couleur, la touche tout cela qui aura tant touché Joan Mitchell.

La fondation Louis Vuitton avait justement créé ce face à face entre Mitchell et Monet, qui ne m’avait pas convaincu d’ailleurs, car indubitablement me concernant et ces deux tableaux en sont la preuve Monet avait un génie que Mitchell n’avait pas, même si on peut, bien entendu lui attribuer d’autres qualités artistiques et picturales indéniables.

Ici ces deux tableaux semblent contemporains alors qu’ils ont plus d’un siècle : on se rapproche là d’un monochrome abstrait qui témoigne d’une totale liberté de l’artiste.

Mon avis sur l’exposition

Il me semble que la presse n’a pas rapporté tous les trésors que cette exposition pouvait recéler.

D’une taille humaine, cette exposition est un bon moment à passer pour découvrir des tableaux dans une approche différente comme un témoigne l’un des visiteurs que j’ai pu interroger à la sortie de l’exposition.

Il ne vous reste donc que quelques jours pour aller voir cette exposition et avoir le plaisir de terminer votre visite par quelques pas dans le jardin du Luxembourg.

A bientôt sur Expertisez.

 

 

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