Entretien entre Richard de Grab et Salvador Dali

Richard de Grab était un ami proche de Salvador Dali. Le peintre appelait affectueusement le photographe "la Tortue". Après avoir interviewé de nombreux artistes tels que Magritte ou Picasso, Dali l’a invité à rester chez lui en Espagne plusieurs mois. Son séjour est riche en anecdotes et photographies.

Je vous emmène donc aujourd’hui dans l’univers fantasmagorique du maître Dali

Richard de Grab a pu poser quelques questions artistiques à Dali. 

Nous sommes en 1964.

Quelle est votre philosophie de l’art ?

Ma philosophie de l’art est une seule : cette philosophie commence à la gare de Perpignan, le jour où, dans une espèce d’extase intellectuelle, j’ai vu surgir la peinture.

Pensez-vous que la peinture est un art suprême ?

La peinture est l’unique art majeur, basé sur la vision. La musique c’est une chose tout à fait inférieure. Mais cette vision n’est pas justement un simple moyen de transmission d’information de la machine cervelétique qui est le cerveau. Grâce à l’œil, tout peut converger dans l’unique moyen de connaissance métaphysique, qui est l’image du Christ.

Et quelle est votre œuvre d’art préférée ?

« Les Ménines » de Vélasquez. Une fois, on a demandé à Jean Cocteau ce qu’il emporterait du musée de Prado si on allait le brûler. Il a répondu qu’il emporterait avec lui le feu. Le monde a trouvé que c’était très brillant. On a demandé la même chose à Dali. Et moi, j’ai répondu beaucoup mieux, comme toujours. J’ai dit : « j’emporterai pas le feu, mais j’empoterai l’air. L’air tout à fait spécifique, qui est contenu dans « Les Ménines » de Vélasquez. Parce que c’est cet air qui est le véritable protagoniste de la peinture. Vous voyez que j’ai répondu d’une manière tout à fait sublime. Au lieu du feu qui ne correspondait pas du tout, ni au musée du Prado, ni au phénomène pictural, j’ai répondu une chose instantanée, et en plus, j’ai dit la raison. La raison est que « Les Menines » contient l’air le plus sublime de tous. C’est l’air pictural de Velasquez.

Les histoires dont a témoigné Richard de Grab sont tellement surprenantes et nombreuses qu’elles auraient pu remplir un roman entier.

Tous les jours, quelque chose de spécial se préparait. Et chaque jour, des visiteurs venus des quatre coins du monde venaient rendre hommage au maître de la peinture, cadeaux en main.

Voici une anecdote qui pourrait vous amuser.

Un matin, Dali convoque urgemment de Grab. Il s’est réveillé avec une nouvelle idée. Dali souhaite que sa mannequin préférée soit accrochée, toute nue, par une corde, à un hélicoptère pour être relâchée dans la mer. En attendant le grand moment, il a fait venir un orchestre. Tout ce bruit a attisé la curiosité des habitants du village alentour, venus danser, et des équipes de tournage, venu voir ce qu'il se passait. Malheureusement, le vent était trop fort ce jour-là. Déçue, la moustache de Dali s’est alors considérablement affaissée.

Pour réconforter Dali, de Grab est revenu l’après-midi, poisson en main.  Et oui un poisson ! Dali l’a fracassé contre une toile, utilisant les taches de sang comme base d’une nouvelle peinture. De Grab est émerveillé lorsque Dali pratique son art. De quelques traits simples émergent les dessins les plus complexes, ingénieusement conçus.

Le lendemain, la foule est rassemblée à nouveau. L’hélicoptère arrive. Dali pulvérise d’autres poissons sur des toiles en guise de divertissement. Comme convenu, la sirène est projetée dans l’eau glacée.

Ensuite, Dali décide d’aller encore plus loin. Il fait accrocher ses moustaches à l’hélicoptère, s’envolant au loin.

En raison de ces anecdotes, Dali est perçu comme fou par de nombreuses personnes. Pourtant, Richard de Grab perçoit chez Dali un artiste avec une excellente imagination et comme une personne qui s’anime du spectaculaire, qui vit dans son propre monde, exauçant ses rêves.

N’hésitez pas à regarder et écouter les interviews reconstituées entre Richard de Grab et  de nombreux artistes.

Elodie Couturier