Mark Rothko : Intériorité à la Fondation Louis Vuitton

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Mark Rothko : une exposition à ne pas manquer !

Je vous emmène aujourd’hui à la découverte de consacrée au peintre Mark Rothko à la Fondation Louis Vuitton qui se tient du 18 octobre 2023 au 2 avril 2024.

Cette exposition, dédiée à une véritable rétrospective de l’artiste, regroupant de manière tout à fait exceptionnelle 115 œuvres, venues de collections privées ou muséales, vous fera découvrir la vision de l’artiste Mark Rothko. Une occasion unique de communier avec des œuvres sans pareil.

Bienvenue dans un voyage intérieur, au-delà du dicible !

Avant de vous faire partager mes impressions plus en détail sur cette exposition, revenons sur l’artiste Mark Rothko, afin de le resituer dans l’histoire de l’art.

Mark Rothko : les essentiels

Mark Rothko est un artiste américain d'origine russe, né en 1903 en Lettonie. Il disparaît prématurément à New-York à 67 ans.

Sa vie et son œuvre ont exercé une grande influence sur l'art du 20e siècle, notamment dans le domaine de l'expressionnisme abstrait.

Rothko émigre avec sa famille aux États-Unis en 1913, étudie à l'Université Yale et a enseigne l'art à l'Art Students League de New York.

Au cours des années 1930 et 1940, Rothko expérimente différents styles artistiques, allant du réalisme social au surréalisme.

C’est dans les années 1940 que Rothko trouve sa voie artistique distinctive qui le rendra célèbre.

De manière simplifié, on pourrait dire qu’il développe son propre style d'expressionnisme abstrait, caractérisé par de grandes toiles couvertes de champs de couleur intense et vibrante, souvent délimitées par des contours flous.

Ses peintures se composent de blocs de couleurs rectangulaires superposés, créant une expérience émotionnelle puissante pour le spectateur.

Il croit que ses œuvres expriment les émotions humaines les plus profondes et universelles.

L'originalité de la démarche artistique de Rothko réside dans sa capacité à susciter des émotions et à créer une interaction intense entre le spectateur et la couleur, et cette exposition en est la preuve formelle et intemporelle.

 Ses toiles, souvent sans titres ou avec des titres numériques, laissaient place à une interprétation personnelle de l'œuvre par chaque observateur.

Rothko croit en l'importance de la spiritualité dans l'art et pense que ses peintures peuvent évoquer une expérience quasi religieuse.

L'œuvre de Rothko aura exercé une influence significative sur l'art abstrait et a contribué à redéfinir la manière dont la couleur et la forme pouvaient communiquer des émotions profondes. La vie et l'art de Mark Rothko restent un témoignage puissant de la capacité de l'art à émouvoir et à transcender les frontières culturelles.

L’exposition

La précédente rétrospective du peintre américain Mark Rothko avait eu lieu au musée d’Art moderne de Paris en 1999, dont Suzanne Pagé était déjà la commissaire de cette rétrospective

Aujourd’hui, toujours présente, elle est associée à Christopher Rothko, fils de l’artiste et psychologue, auteur de l’ouvrage « Mark Rothko, l’intériorité à l’œuvre ».

Dans cet ouvrage, s’appuyant sur sa connaissance intime de l’œuvre et sa compréhension instinctive de l’homme qu’était son père, l’auteur articule, dans des textes sensibles, percutants et pleins d’humour, les différentes périodes et l’évolution des moyens – couleurs, formats, mises en contexte… – par lesquelles Mark Rothko a cheminé dans sa quête incessante d’un partage avec le spectateur.

La première rétrospective avait fait découvrir Rothko au public français. Aujourd’hui, le public est enchanté et la fréquentation en est la preuve formelle.

L’exposition est prodigieuse. Mais pourquoi ?

Certes les tableaux de l’artiste y sont pour quelque chose : force est de constater que Mark Rothko est un artiste majeur, qui laissera une trace indélébile dans l’histoire de l’art et sur le marché de l’art, eu égard aux records de prix en vente aux enchères publiques.

Mais l’exposition se met ici à l’écoute de l’artiste : le parcours est intelligemment déroulé, mêlant chronologie et thématique, mettant en exergue le passage de la figuration vers l’abstraction, la recherche perpétuelle de l’artiste au travers des variations de couleurs, qui ont une signification sur laquelle je reviendrai un peu plus tard.

Les œuvres abstraites dites « Classiques » des années 50 à 70 forment le cœur de l’exposition, mais le début de l’exposition laisse découvrir les œuvres de années 30 avec un ensemble d’œuvres figuratives, dans lesquelles on entrevoit déjà cette démarche de funambule entre abstraction et figuration. La jeunesse de l’artiste s’initie par la Grande Dépression de 1929. Là, durant le début de la décennie des années 1930, il peint des scènes urbaines figuratives : le métro new-yorkais, beaucoup, les anonymes réduits à des caryatides, fondus aux piliers des souterrains.

Si vous observez bien cette première salle, l’abstraction est déjà sous-jacente,  et les perspectives proposées laissent découvrir la profondeur de sa démarche globale.

Ces tableaux permettent ainsi de mieux appréhender les tableaux des années 50.

Les années 40 ont été pour les artistes en général des années dures : face la barbarie, la réaction est là, comme ont pu le faire tant d’artistes pour ne citer qu’Oskar Kokoshka, qui couchera sur ses tableaux et ses écrits les témoignages de la barbarie dont il a été témoin. Rothko réfléchit et travaille avec d’autres artistes – car on n’évolue jamais seul, mais ensemble, en l’occurrence avec des artistes comme Gottlieb ou Newman, s’interrogeant sur la question du sujet en art et donc de l’intrinsèque de l’homme.

Couplée de lectures philosophiques et mythologiques, Rothko accouche de monstres hybrides surréalistes.

Des scènes historiques, proches de combats, rappellent le surréalisme européen qu’il voit débarquer à New York.

On retrouvera une violence similaire à celle de ses contemporains Graham Sutherland ou Francis Bacon.

Rothko expose en 1944 à la galerie de Peggy Guggenheim, « Art of this Century. »

Les années 50 apportent à l’artiste un travail pleinement abstrait : deux ou trois registres de formes rectangulaires aux contours indéfinis et aux couleurs irradiantes, dans un sfumato à la Rothko, qui vous embarque dans le plus profond de votre être.

Par des formats qui deviennent de plus en plus grands, Rothko cherche à envelopper le spectateur et veut montrer la lumière derrière la couleur.

Car tel un chevalier au service de l’art et de la condition humaine, il cherche à faire ressortir la lumière.

Observez ces tableaux : Les aplats ne sont pas unis mais, grâce à la couleur sous-jacente qui dépasse sur les bords, vibrent et passent du jaune à l’ocre ou de l’orange au rouge, peu importe. La bande centrale, blanche, agit comme un contrepoint à cette lumière ensoleillée.

A la fin des années 50, la palette s’assombrit : je n’y vois pas un côté noir de l’artiste, mais une approche des ténèbres desquelles surgissent la lumière. 

Une danse orchestrée entre les ténèbres et la lumière, apportant un aspect plus méditatif à son œuvre.

Observez cette série de tableaux conservées aujourd’hui à la Tate de Londres : ces toiles, au reflet lie de vin, ont été commandées par la Seagram pour décorer le restaurant construit par Philip Johnson en 1958, dont Ludwig Mies van der Rohe dirige la construction à New York. Rothko renonce finalement à livrer la commande et conserve l’intégralité de la série.

Onze ans plus tard, en 1969, l’artiste fera don à la Tate Gallery de neuf de ces peintures qui se distinguent des précédentes par leurs teintes d’un rouge profond, constituant une salle exclusivement dédiée à son travail au sein des collections. Cet ensemble est présenté exceptionnellement dans l’exposition.

Rothko a testé des formats horizontaux pour qu’elles puissent être visibles au-dessus de la tête des convives. J’y ai retrouvé  pour ma part la symbolique de portes d’entrées de réflexions, ces marques noires s’affichant comme l’entrée d’un temple ou d’un espace d’introspection.

En 1960, la Phillips Collection consacre au peintre une salle permanente, la première « Rothko Room », étroitement conçue avec lui, qui est également présentée ici.

L’année suivante, le MoMA organisera la première rétrospective de son œuvre qui voyagera dans plusieurs villes européennes (Londres, Bâle, Amsterdam, Bruxelles, Rome, Paris).

À partir de 1964, il utilise le noir qu’il mélange aux couleurs sombres (Black Forms) et imagine un ensemble de panneaux voulus par la collectionneuse Dominique de Ménil pour sa chapelle de Houston.

Là encore, prenez le temps de regarder et de vous imprégner de cette atmosphère envoutante du noir qui se transforme en lumière.

Dans une salle, vous découvrirez des sculptures de Giacometti : la solennité de ces sculptures s’accorde parfaitement avec les tableaux introspectifs de Rothko.

La présence des ces sculptures évoque la commande d’une peinture monumentale passée à Rothko en 1969 par l’Unesco pour son nouveau siège parisien.

Cette œuvre aurait dû être présentée à proximité d’une grande figure de Giacometti, artiste dont il se sentait proche et dont la couleur des peintures aurait selon Motherwell inspiré les Black and Gray. Mais dès juillet 1969 Rothko renonce à cette commande tout en poursuivant son travail jusqu’à a disparition en février 1970.

Les sculptures s’étirant de la terre au ciel face aux tableaux de Rothko qui apporte une introspection plus intimiste.

Malgré leur apparente sérénité, Rothko assure : « J’ai emprisonné la violence absolue dans chaque centimètre carré de leur surface ».

Mon avis sur cette exposition

Vous l’aurez compris, j’ai été vraiment subjuguée par cette exposition.

Pourquoi ?

Car comme je l’avais ressenti dans le cadre de l’exposition Nicolas de Staël qui se tient toujours au musée d’art moderne et que je vous conseille vivement d’aller voir, l’émotion est palpable au travers de la déambulation de salle en salle.

Grâce à une exposition didactique et chronologique, l’accrochage apporte une alchimie sans pareille. L’Égrégore est là.

La Fondation Louis Vuitton apporte des espaces qu’il est difficile de retrouver à Paris dans nos musées, et sert l’artiste Rothko dont les œuvres ont besoin de respirer.

Vous, spectateur, vous aurez le loisir d’inspirer et d’expirer au rythme de la mouvance des couleurs et des formes vibrantes, qui rendent l’œuvre de Mark Rothko majeure.

Comme nous sommes des enfants gâtés, la fondation Louis Vuitton nous a apporté ici un gâteau peut-être trop gros : difficile pour un seul Homme d’ingurgiter tout cela en une exposition. Alors il faudra revenir…

Alors un conseil, prenez votre temps : asseyez-vous devant un tableau que votre sensibilité aura désigné et plongez-vous dans l’univers de l’artiste.  Faites l’expérience de vous placer au centre d’une salle et parcourez les œuvres une à une :  vous verrez qu’il se produira un véritable dialogue entre vous et le tableau, qui rend l’expérience d’autant plus fascinante.

Elodie Couturier

 

 

 

 

 

 

 

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